Le nom botanique du chanvre est Cannabis sativa ce qui signifie «Cannabis cultivé». Cette plante est unique en son genre car elle répond à elle seule à la quasi totalité des domaines de l’activité humaine en étant à la fois thérapeutique, stupéfiante, alimentaire, cosmétique, textile, isolante. Au niveau alimentaire la teneur en protéine élevée de sa graine et son rapport omega 6/omega 3 élevé en font un aliment de premier choix pour les êtres humains et les animaux. Les peuples du monde entier ont cultivé et ont appris à maitriser l’usage d’une plante aussi polyvalente. Sa culture est simple. Elle s’accommode de sols pauvres et a des propriétés repoussant certains nuisibles et laissant des sols propres indemnes d’adventices. Elle travaille la terre grâce à ses puissantes racines la préparant pour d’autres cultures à venir. Son utilisation est décrite dès les premiers ouvrages médicaux comme en 1500 avant JC, dans le papyrus Ebers de l’Egypte antique ou en Inde, en 500 avant J.-C., où l’on retrouve son utilisation dans les douleurs de règles, les contractions de l’accouchement, les petites interventions chirurgicales, les névralgies et en application sur la peau inflammatoire ou douloureuse. Elle est introduite dans la pharmacopée française en 1866 . Jusqu’en 1900 et la découverte de l’aspirine c’est l’un des analgésiques les plus employés en France. Sa culture est alors très développée où elle est par ailleurs la principale source de fibres pour le textile (vêtements, cordages…). La France est à cette époque l’un des plus gros pays producteurs au monde. Les «aires de rouissage», première étape après récolte du chanvre, se trouvaient sur de nombreuses fermes en France et «la canebière» vient du mot provençal «canebe» signifiant «chanvre», Marseille étant l’un des plus grands comptoirs de chanvre au monde pour la fabrication et le commerce de cordages.

Mais c’est brutalement et rapidement que cette histoire pourtant millénaire subit un coup d’arrêt.
A partir de 1930, Harry J. Anslinger est nommé à la tête du Bureau Fédéral des Narcotiques des Etats Unis. Il structure une véritable communication autour de la dangerosité du cannabis.«Le Gore File, est une véritable collection de coupures tirées de la presse à sensation, relatant des délits et crimes odieux, pour la plupart commis sans motifs, et imputés à la consommation de cannabis […] appuyés sur les thèmes racistes populaires de l’époque…» [Wikipedia-J.Anslinger]. Les mêmes faits divers paraissent plusieurs années de suite, dans les même journaux et des moyens cinématographiques sont également mis à contribution. Le maire de New York, Fiorello La Guardia, s’oppose à cette campagne et sera à l’origine de la première étude sur l’utilisation du cannabis qui durera 5 ans et démentira les allégations négatives sur l’utilisation du cannabis dans sa ville. Mais le Congrès américain adopte en 1937 le Marijuana Tax Act qui impose des taxes très élevées pour l’utilisation de chanvre y compris à usage médical et une pression qui aboutira à son inscription comme stupéfiante par l’ONU. La France suit ce mouvement en 1970 avec une loi très punitive qui est celle encore vigueur aujourd’hui en matière de culture et d’usage de cannabis. L’effondrement de l’industrie naissante du chanvre est rapide. C’est une victoire pour les industriels du nylon, qui voulaient prendre la place du chanvre pour la fabrication textile, les cordages notamment. Ceci explique sans doute pourquoi la moindre corde actuelle est en nylon et non en chanvre!

Mais depuis quelques années les choses évoluent rapidement. En 2019 l’ONU déclasse le chanvre comme stupéfiant et l’OMS en pose l’utilisation dans le soin, en mettant en avant le chanvre en teneur limitée en THC (la molécule psychotrope du chanvre) et riche en CBD (autre cannabinoïde que le THC ayant aussi des propriétés thérapeutiques). Ce type de variété de chanvre est celle qui était consommée par nos anciens! Les variétés à forts taux de THC, avec bien plus d’effets secondaires, sont d’invention récente. Un rapport parlementaire français rendu le 26/06/2021 fait le bilan de la politique française en matière de chanvre «Malgré une réglementation française caractérisée par son caractère prohibitif et la sévérité des sanctions pénales attachées à la détention et la consommation de cannabis, l’échec des politiques publiques en la matière fait aujourd’hui l’objet d’un constat unanime». Enfin, un arrêt du Conseil d’État du 29/12/2022 autorise la vente de fleurs de chanvre par les paysans producteurs sur le territoire tout en le maintenant interdit pour la population. En 2022, un protocole national est mis en place en France pour la délivrance de cannabis médical. Cela ne concerne que 3 000 personnes avec un cadre très restrictif et notamment l’interdiction de conduire ce qui exclue de fait la plupart des populations des zones rurales. La science fondamentale essaie de démontrer ce que la science empirique a démontré depuis longtemps à propos de l’usage de cette plante  avec un maigre travail de lien entre savoirs profanes et savoirs universitaires. Le chemin de la réappropriation de cette plante médicinale majeure semble encore long en France.

Pour aller plus loin :
–Mémoire de Diplôme Interuniversitaire Cannabis Médical – “Chanvre CBD: pour une approche de terroir plutôt que de laboratoire ? “-C. Hambourg (Universités Paris-Saclay/Montpellier) 
–“Cannabis au vingtième siècle : prohibition contre santé. “ article écrit par Charles à partir du mémoire ci dessus – Sur le site internet du CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique)
–Le livre “L’empereur est nu” de Jack Herrer , en version pdf,>>>  une incroyable plongée dans l’histoire du cannabis,  de sa prohibition et de la fabrique de notre opinion sur le sujet…
–Film sur Jack Herrer>>>