Ces Lumières pleines d’obscurité

Dans chaque école,
Existe encore cet enfant
Qui regarde danser son âme
Dans les bras du temps
Ouverts sur ces moments
Qui façonnent l’éternité.

Fonctionnaire d’État
Propageant Sa Parole,
Si vous voyez ce rêveur
Au reflet d’une fenêtre
Ne le prenez point mal.
Il s’agit pour lui
De sauver son cœur
Pas encore extirpé
Par cette foi dans l’Unique
Qui fane les différences.

C’était encore hier,
A peine quelques saisons,
Que ses sens en éveil
Vivaient sans contrainte
A aimer, sentir et créer
Sans devoir l’expliquer
Ou en faire un métier.

Ce souffle qui anime,
Qui donne goût à l’existence,
Jaillit dans les cours d’école
Perturbe les salles de classe
Chahute les programmations.

Mais l’École génocidaire
Extermine l’enfance
Armée de rangs à former
De leçons à répéter
De mots à copier
Et ainsi finit par mourir
L’ Amie Liberté.

Il n’y a pas de Lumières qui aient autant obscurci.
De Révolution qui ait autant confisqué.
Voler et exproprier
En criant Liberté
Piller et coloniser
En hurlant Égalité
Assouvir et enrichir
En jurant Fraternité

Liberté, égalité, fraternité sont de façade
Gravées sur les frontons
Comme une permission
Donnée à toutes les discriminations.

S’entraider devient copier,
Car de l’école sortiront vainqueurs
Les enfants des dominants
Alors que pauvres et différents,
Exclus certainement
Accepteront les soumissions
Parfois une vie durant
Convaincus de leurs échecs,
De leur mauvaise éducation.

Mais finalement tous perdants
Car pauvres et puissants
Finiront désanimés.
Désarmés de cette âme
Qui finit par manquer
Et creuser cette faim
Impossible à rassasier.

On ne sait pourquoi, un jour
Comme un réveil, un sursaut,
Une instabilité prête à tout balayer
Emporta une institutrice assourdie
Par le bruit des âmes pliées
Chaque jour prêtes à se briser.
Elle se mit à chercher
Où étaient cachés l’amour ou les passions
Dans tous ces manuels d’instruction.
Mais elle n’y trouva aucune de ces émotions
Qui permettent une vie sans procuration.

Elle ouvrit le cartable de cet enfant
Qui préférait regarder dehors
Et qui pour la première fois sourit.
Elle sortait les cahiers et chantait
« Français » … « Mathématiques » …
A chaque négation de l’enfant,
Le cahier volait à la poubelle
Au rythme du cri des enfants ravis :
« Panier » à chaque point marqué.

Après ce rapide sondage
Il fallu bien constater le carnage :
Le cartable vidé n’avait plus la bedaine
De sa vilaine inutilité.
Ces clients-là, habitués à baisser la tête,
Étaient donc bien mécontents
du service qu’on leur proposait.

Mais que faire de ce vide ?
Il était hors de question
De remplacer l’ennui
Par l’inoccupation.

Il ne fallut pas longtemps
Pour que fusent les idées
Qui remplirent le cartable
De toutes les possibilités.
C’est ainsi qu’apparurent
Des cours d’amitié
Un programme de solidarité
Des joutes oratoires
Du sport libre à volonté
Des cours de mécanique
Des ateliers pour cuisiner
On apprit même le massage
Ou encore le jardinage
Et très vite un seul cartable n’était plus suffisant
Pour accueillir tous les rêves des enfants

Dans cette école ainsi renouvelée,
Petits et grands se mirent à échanger
Comme sur le quai d’une gare
Où se croiseraient les savoirs
Capables de sauter dans un train
Qui mènera bien quelque part.

Cette histoire s’est passée
Dans un pays de montagnes
Qui sait échapper aux uniformes
Et ne pas suivre les normes.
Je ne vous en dirai pas l’adresse
Car il faut les protéger.
Mais où que vous soyez
Vous pouvez bâtir votre montagne
Pour y mettre à l’abri vos rêves
Et en remplir tous les cartables
Pour des vies enfin libérées.